Un jour, je serai Belge...

Cette année, j'avais de grandes ambitions pour les vacances. Des envies de lointain, d'exotisme et d'aventure.

Après quelques nuits à baver sur les sites de Voyageurs du monde, j'ai beaucoup failli. Failli partir au Burkinafaso pour traverser le pays en mobilette, en Mongolie pour itinerer à dos de canasson, en Amazonie pour dormir avec des tarentules, en Australie pour descendre dans une cage à requins...

Puis j'ai passé une nuit à pleurer sur le site de la BNP, et j'ai compris que j'allais plutôt passer un été à squatter... En même temps, mon projet  "un été en danger" était très moyennement adapté à la présence d'un enfant de cinq ans et comme l'éducation nationale n'a toujours pas interdit ces fucking 2 MOIS de vacances, j'abdiquais...

"Cherche amis gentils pour séjour estival "

Mon père et ma mère chacun dans leur région se proposèrent pour l'adoption. Ouf, ce n'est pas encore cette année que je serai reniée.

Puis mon ami S. s'est dit prêt à me recueillir une petite semaine dans sa demeure familiale perdue dans mon sud-ouest natal. Ni requin, ni tarentule mais la promesse de quelques jours tranquilles à manger du magret et boire du rosé. 

Nous sommes parti, un mercredi.

L'avantage du train c'est qu'il ne vole pas... Du coup, c'est long, c'est lent et on a tout le temps pour refaire sa vie trois milles fois. Si on pouvait mettre par écrit toutes les pensées qui flottent dans un wagon, ça ferait un bouquin incroyable.

L'avion, c'est très différent. À part les phases de décollage ou d'atterrissage qui peuvent parfois être touchées par la grâce d'un ciel rougeoyant ou d'un coucher de soleil orgasmique (si, c'est possible...), le vol n'est généralement qu'une succession de films, de collations, et de contorsions. 

Nous glissons sur les rails vers le sud, 5h d'un voyage dans le voyage, le temps surtout pour mon cerveau conditionné de gambader à son gré entre les passagers, les champs de blé, et les petits village sexy de notre France jolie.

Un train, c'est ceux que l'on quitte, et ceux que l'on rejoint, et entre les deux le tricot d' une vie qu'on poursuit au point de croix ou de grains de riz avec parfois des trous aussi. (Oui, je sais, un train c'est aussi des toilettes qui pues, des sandwichs à la salmonelle, et des relous qui parlent fort...)

Me voici, me voilou dans une petite gare du Gers avec une valise, un lardon et une tonne de fatigue citadine. 20km et un vomit d'enfant plus tard, j'arrive au paradis rural de mon ami belge ( il ne l'a pas fait exprès alors chuuuut...).

Première seconde, première bière, et top départ pour des vacances en Belgitude...

Il y a des enfants partout, des petits, des grands, tous beaux, tous joyeux. Des parents souriants, qui s'occupent de leurs marmots en chantant, et semblent plus zen dans cette nurserie géante que n'importe quel parisien après un massage à quatre mains.

Je ne sais pas ce qu'ils ont tous pris, mais j'en veux aussi !

Il y a des poneys qui courent dans les champs de blés et des grillons qui rythment les jours, aucun horaire, aucune contrainte, le programme est splendide: RIEN.

Sous les tonnelles, nous grignotons toute la journée, des couques fraîches (comprendre pains au chocolat...), des fromages qui puent, des saucissons et toutes les couleurs de vin. Je me détend et lentement m'imprègne de cet accent brrrrrrussssellois au pays du foie gras. Besoin de rien, juste bien. 

Les amis se suivent et ne se ressemblent pas. Autour de la grande table du patio c'est un film de Claude Sautet qui se joue, avec une petite touche Poolvordienne en plus, c'est juste délicieux. Ici, on dit ce qu'on a envie, quand on en a envie, puis la nuit on réfléchi (ou pas...). Ça rit, ça crie, ça pleure, ça s'embrasse, ça trinque, ça chante... Ça m'enchante. 

Anciens amants, nouveaux parents, ex amoureux devenus amis, vieux amis parfois amants, amis fâchés réconciliés, collègue-amis, oncle, neveux, frère et bru, tout est bon dans le cochon belge, ils s'aiment, point. 

Drapés dans leur humour et leur humilité nos voisins mangent la vie avec les doigts, comme les frites ça va de soit. Ils ne se prennent pas la tête à la couper en 4 (la vie comme la frite) et ont mis de la poésie là où personne ne l'attendait. Entre les cuisses d'une fille par exemple. Quand la France parle de moule ou de chatte (Mouai...), la Belgique parle de Mijole. Et on se prend à rêver d'une fleur au parfum exotique ou d'un dessert raffiné. Un bouquet de Mijole contre un mollusque qui sent la marée ...  

Sois Belge et tais toi !

Quand Paris se la pète avec son gigantesque phallus d'acier comme symbole, Bruxelles l'espiègle propose une statuette en train d'uriner avec un micro-pénis et un nom imprononçable (...) 

Paris la superbe est une bourgeoise prétentieuse, Bruxelles la bonne enfant est bonne tout simplement. Un bon coup, sans chichi  ni pompon!

Je dois encore progresser pour maîtriser la langue mais c'est décidé, un jour je serai Belge...

Merci à Sacha, la Grande Inès, Gilles, Severine, Solal, Vadim, Orion, Indira, Louisa, Dimitri, Audrey, Marie, Maguy, Petite Inès, Ayna, Kyran, Doudou le poney dalmatien...

"Zzzzzzzzzzzzzzzz..."

Comments

[Nath]

... Et la belgitude n'est pas une légende ;)



Merci Mélody, une fois de plus, pour ce texte enlevé et rempli d'humour comme tu sais si bien le faire !



C'est toujours un plaisir de lire tes billets...

Le sourire n'est jamais loin ;)

[telophase]

Charmant billet plein d'esprit. Sur un ton léger des réflexions existentielles...

Sans se la péter, tout en douceur, j'aime ça ♥♥♥

[loreline]

C'est vraikirkouk a raison c'est la meilleure ode à la belge attitude on a tous envie après çà d'avoir un ancêtre du plat pays et çà tombe bien parceque moi aussi ma gmére était belge mais bcp moins drôle que tes amis mais vraiment on a très envie aussi de rien faire avec eux...

[Kirkouk]

"le programme est splendide: RIEN."

J'aime ton récit, tes vacances, tes amis ! J'ai un quart belge, et je n'ai jamais été aussi fière ! Merci.